« L’hôpital de la Rochelle est en crise » alerte la CGT

Surcharge et burnout du personnel, délais de prise en charge de plus en plus longs, manque de moyens… À La Rochelle, la CGT alerte sur la dégradation des conditions de travail et d’accueil aux urgences, ainsi que dans l’ensemble des services de l’hôpital. Le syndicat envisage désormais des actions, dont une possible grève du personnel. De son côté, la direction de l’hôpital a répondu aux différentes accusations portés dans l’article.

Yann Lenas et Martine Foucreau, deux élus de la CGT à l'hôpital de La Rochelle, dénoncent les conditions de travail | TL - INF la Rochelle
Yann Lenas et Martine Foucreau, deux élus de la CGT à l'hôpital de La Rochelle, dénoncent les conditions de travail | TL - INF la Rochelle

Ce n’est pas un mystère, depuis plusieurs années, le système de santé public se dégrade en France, notamment depuis la crise du Covid-19, qui a permis de mettre en lumière certains dysfonctionnements. Depuis, la crise de l’hôpital continue et s’aggrave, y compris pour celui de La Rochelle qui n’échappe pas à la dynamique nationale. Burn-out du personnel, surcharge de travail, afflux massif aux urgences ou encore des délais de prise en charge de plus en plus longs… Les problématiques sont nombreuses pour la CGT de l’hôpital de La Rochelle, qui a alerté à travers une vidéo humoristique sur son Facebook afin de sensibiliser les usagers et les soignants sur la surcharge de travail et sur le fait qu’ils sont régulièrement appelés par leur direction pour revenir faire des heures supplémentaires.

Pour Yann Lenas élu CGT, aide soignant et représentant du personnel auprès du CSE, il y a un réel problème dans le secteur hospitalier : « Le mur, on l’a déjà atteint, désormais on est en train de le traverser ». Pour illustrer cette situation, il faut revenir notamment au premier week-end d’octobre, comme l’explique sa collègue Martine Foucreau, assistante sociale, également syndiquée et élue au CSE. Durant ce week-end, les urgences ont connu un afflux de patients. Il y avait trop de monde, et une seconde salle pour accueillir les personnes a été ouverte car il n’y avait plus de lits d’hospitalisation. Mais, comme l’indiquent les deux membres du syndicat, les indicateurs étaient dans le rouge, et rien n’a été anticipé vis-à-vis de cet afflux (Voir la réponse de la direction en bas d’article concernant cet épisode). 

De plus, comme l’indique Yann Lenas, « Il y a une volonté d’économies sur le personnel et le matériel, ce qui fait qu’il y a moins de lits et moins de soignants, donc nous avons moins la capacité à gérer ce genre de situation, qui touche plusieurs services. » Il dénonce les coupes budgétaires du gouvernement, de 15 milliards pour l’année 2025, qui touchent le secteur de la santé publique. Aux urgences maintenant on déshumanise les patients par manque de places, de temps … constate le représentant CGT

Une surcharge du personnel

Les deux élus au CSE dénoncent dans ce cadre la surcharge de travail et le manque de personnel à l’hôpital.. « On est régulièrement appelés pour revenir au travail, y compris pendant nos vacances où parfois on doit les écourter en plein milieu. » Ce contexte intervient alors que le nombre de soignants est en baisse, et que, dans le même temps, le nombre d’heures de travail ne fait qu’augmenter, avec des gardes qui peuvent durer 12 heures ou même tout un week-end, généralement en sous-effectif. Ainsi, le personnel hospitalier peut réussir à tenir ce rythme sur une courte période, mais au bout d’un moment, les équipes craquent, comme nous l’expliquent les deux syndiqués. « Une collègue a démissionné de son travail en nous disant : ‘Je démissionne car j’aime mon travail‘. Il y a une véritable souffrance des soignants et un mal-être à l’hôpital, c’est limite maltraitant comment on travaille. Chaque semaine, des personnes nous appellent en pleurs en nous expliquant qu’elles n’en peuvent plus et qu’elles n’ont plus de vie personnelle, avec même certains en burn-out. Mais malgré cela, on doit continuer à sourire devant les patients, même si c’est de façade. »

Conséquence : de plus en plus de services travaillent en sous-effectif, en « dégradé », et doivent travailler davantage. Le manque de soignants et de médecins ralentit la prise en charge pour le traitement de certaines maladies par des spécialistes, jusqu’à 9 à 10 mois (3 mois selon l’hôpital de la Rochelle), par exemple, pour obtenir un rendez-vous pour une mammographie. Ce qui est problématique, car les longues prises en charge peuvent retarder la découverte de potentielles maladies graves chez certains patients, explique le syndicat. 

Ce manque de soignants s’accompagne d’un problème également dans les formations, avec des écoles d’infirmiers et d’aides-soignants qui ne sont pas pleines, et des étudiants qui quittent leur formation au bout de deux ans car ils découvrent la réalité du travail et sont effrayés, constate Martine Foucreau.

Un découvert de 17 millions d'euros

Selon Yann Lenas, l’hôpital de La Rochelle aurait un découvert de 17 millions d’euros (L’hôpital annonce un chiffre bien en dessous) et aurait déjà remboursé près de 10 millions d’euros grâce à une série d’économies. Mais dans le même temps, l’aide-soignant alerte sur le manque de lits, et précise que la capacité en termes de lits est inférieure à la norme par rapport au nombre d’habitants. Cela intervient alors que la population du bassin de La Rochelle est de plus en plus âgée et que plusieurs territoires manquent de médecins libéraux, ce qui augmente la pression sur les services hospitaliers. Il illustre cette situation : « Durant une période de l’été, il manquait trois lits en réanimation, qui ont été fermés par manque de personnel, alors que les services sont déjà en surcharge durant la saison estivale avec les touristes en plus. »

Enfin, concernant la question du nouvel hôpital rochelais, les syndiqués n’y croient pas malgré l’urgence. Selon eux, le coût est estimé entre 700 et 800 millions d’euros, soit presque 1/15e des économies annoncées par le gouvernement dans le secteur de la santé. « Il a besoin d’être rénové : il y a des infiltrations d’eau, des fenêtres qui ne ferment pas, il fait trop chaud l’été et trop froid l’hiver. » Une réunion devait avoir lieu fin septembre au ministère de la Santé pour valider ou non le nouveau projet, éclipsée par la nomination du nouveau gouvernement. Le dossier du nouvel hôpital de La Rochelle est donc loin d’être terminé.

Vers un mouvement de grève ?

Yann Lenas a évoqué la possibilité d’un mouvement social à travers une grève si la situation ne change pas : « Il faut essayer d’insuffler un mouvement local à l’hôpital de La Rochelle. Mais pour que cela marche, il faut que l’ensemble des collègues et même la population nous soutiennent, comme cela a été le cas durant le Covid-19. » Le 29 octobre prochain, une journée d’action de la fonction publique est prévue, lors de laquelle la CGT souhaite se mobiliser pour défendre les hôpitaux. Pour l’instant, les soignants vont probablement se rendre à Royan pour soutenir l’hôpital qui va participer à ce mouvement.

L'hôpital répond aux accusations

Contactée par INF La Rochelle, la direction de l’hôpital de La Rochelle a accepté de répondre à quelques questions concernant l’article et l’interview. Concernant l’épisode du premier week-end d’octobre avec les urgences qui étaient surchargés, on nous explique : « Le 1er week-end d’octobre s’est traduit par un volume d’activité important qui avait été repéré en début de semaine, et qui semblait revenir à la normale à l’approche du week-end. Des mesures ont été prises durant la semaine, ainsi que durant le week-end pour permettre d’accompagner la gestion de l’activité et faciliter ainsi les différentes prises en charge. »

– Le syndicat dénonce également les appels au personnel afin qu’il revienne travailler, y compris durant leurs week-ends et vacances, et parfois après de longues gardes. Il parle d’une surcharge de travail pour les équipes, qui ne tiennent pas sur le long terme, ce qui crée un sentiment de mal-être et même plusieurs départs. Quelle est la réponse de la direction à ces accusations ? « Des situations de rappel de personnels peuvent intervenir sur certaines situations particulières qui le nécessitent afin de prendre en charge l’ensemble des patients. Cela est fait en concertation avec toute l’attention nécessaire à la bonne gestion du collectif. »

– Dans l’article, il est également mentionné que certains services sont en sous-effectif, et qu’il y a un manque de lits par rapport au nombre d’habitants du territoire. De plus, ce manque de personnel entraîne des délais de prise en charge plus longs. On nous cite, par exemple, qu’un rendez-vous pour une mammographie peut prendre jusqu’à 9 mois par manque de spécialistes. Est-ce qu’il y a un problème concernant la prise en charge des patients à l’hôpital de La Rochelle ? « Des lits sont fermés sur la filière SMR (Soins médicaux et de réadaptation) en conséquence d’un manque de médecins. Même si notre structure est moins touchée que beaucoup d’autres, cela constitue parfois un déficit de lits d’aval qui fait défaut aux orientations de nos patients pris en charge sur le site de Saint Louis. Tout est mis en œuvre pour permettre d’ouvrir la complétude des lits.  S’agissant des effectifs soignants, il s’agit d’une filière en tension. L’hôpital de La Rochelle n’échappe pas à la règle, même si l’on peut dire que dans notre territoire le sujet est moins prégnant que dans certains secteurs en tension beaucoup plus forte. Il n’y a pas de problème de prise en charge de nos patients. Certains ralentissements peuvent parfois intervenir à l’appui de situations d’activité variables et parfois contraintes. Nos structures s’appuient sur des professionnels engagées dans l’accomplissement d’un service public hospitalier de qualité. S’agissant des rendez-vous en mammographie les délais sont bien inférieurs à ceux annoncés, ils se situent à hauteur d’environ 3 mois. Bien évidemment nous mettons tout en œuvre pour réduire ces délais. »

– Concernant l’hôpital, un représentant d’un syndicat nous parle d’un découvert de 17 millions d’euros, dont 10 millions d’euros ont déjà été économisés, au détriment de certains moyens et personnels. Est-ce que ce chiffre est vrai, et si oui, est-ce que l’argent aurait pu être mieux utilisé au service du personnel et des patients malgré le contexte de crise ? « L’hôpital de La Rochelle témoigne, comme beaucoup d’établissements d’un exercice contraint. Pour autant, il se situe bien en deçà des chiffres annoncés. Son déficit de l’ordre d’environ 2% s’inscrit dans le cadre d’une trajectoire que l’établissement accompagne sur une trajectoire pluriannuelle devant permettre de retrouver un bon niveau d’équilibre. »

– Enfin, concernant le projet de nouvel hôpital, le chiffre de 700 à 800 millions d’euros est avancé pour le nouveau projet. Est-ce que l’hôpital confirme ce chiffre ? Et quand la décision sera-t-elle prise pour savoir si l’hôpital sera déplacé ? Les syndicats dénoncent notamment des problèmes d’infiltrations d’eau, de problèmes sur les fenêtres, etc. « Le projet nouvel hôpital témoigne d’une projection d’investissement d’environ 700 M€. Les travaux se poursuivent afin de permettre de porter l’investissement à l’appui d’une aide de nos tutelles. Notre établissement fait l’objet d’une maintenance rigoureuse permettant de maintenir nos infrastructures au niveau attendu. Bien entendu l’exercice s’avère plus contraint au fil des années. »

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