Le maire de La Rochelle, Jean-François Fountaine, a accordé une interview à INF La Rochelle après la motion de censure qui a fait tomber le gouvernement. Situation politique et sociale compliquée, budget 2025, municipales 2026… L’ancien chef d’entreprise, à la tête de la ville depuis 2014, s’est confié à notre média.
Quelle est votre point de vue par rapport à cette motion de censure et le nouveau gouvernement ?
Jean-François Fountaine : Je n’étais pas proche de Barnier, ceci dit, il faut prendre en considération la situation de notre pays. Les députés de gauche et d’extrême droite ont décidé de censurer Barnier. Je n’ai pas compris pourquoi Macron est parti chercher des voix justement à l’extrême droite. Le bon montage, c’est de faire une opération avec des voix du Parti Socialiste, des écologistes, du centre et de la droite républicaine. La seule solution est là. Il ne faut pas compter sur le Front National (Rassemblement National), c’est un adversaire politique. On n’a pas à chercher des plans avec eux.
Étiez-vous favorable à cette censure ?
Je ne peux pas dire à ce stade ma position sur la censure en tant que telle, étant donné que je ne m’étais pas posé la question. Mais le fait d’aller chercher des voix à droite, voire à l’extrême droite, était une erreur.
Quelle serait la meilleure ligne à adopter sur le nouveau gouvernement ?
C’est de chercher un accord politique entre le Parti Socialiste, les centristes et la droite républicaine. C’est ce que nous faisons tous les jours dans nos agglomérations, en créant des consensus. Moi, je n’ai pas eu de candidats contre moi quand je me suis présenté à la présidence de l’agglomération, parce qu’ils ont considéré qu’on allait créer un réel consensus.
Politiquement, aujourd’hui, vous vous sentez proche de quel camp ?
Je pense que je suis plus de centre-gauche, d’une gauche responsable et réaliste. Je suis pour que notre pays fasse preuve de solidarité, mais il faut que le budget s’équilibre. Par rapport au Nouveau Front Populaire, j’ai beaucoup d’amis socialistes qui sont dans ce groupe, mais je ne comprends pas l’alliance avec La France Insoumise, qui est un parti dangereux pour le pays. Il faut bien le mesurer. Ce sont des gens qui sont peut-être sincères, mais la moitié des choses qu’ils proposent ne sont pas réalistes. Il n’y a aucune ville en France qui est gérée par LFI, et heureusement.
On est dans une période politique instable. Peut-on craindre de grands mouvements sociaux dans les prochains mois, comme ceux des agriculteurs ?
Non, je n’y crois pas. Aujourd’hui oui, il y a un peu de tensions sociales, qu’on a eu avec la réforme des retraites en 2023. Les agriculteurs sont en difficulté, ils sont inquiets sur un grand nombre de choses. Leur revenu est trop bas. On voit bien que le gouvernement précédent avait cherché à les aider un petit peu plus. Cependant, il y a une diversité dans le monde agricole, avec des agriculteurs qui ont du mal à joindre les deux bouts, puis d’autres qui, dans certains domaines, s’en sortent bien. Comme dans chaque métier, il y a des différences considérables.
Le Rassemblement National et le Nouveau Front Populaire veulent abroger la réforme des retraites. Est-ce que c’est une erreur ?
Je sais que certains veulent abroger la réforme des retraites, mais je pense effectivement que c’est une erreur. Comment la finance-t-on ? J’attends la réponse. Si on trouve un meilleur système, je suis preneur. On dit qu’il faudrait que la retraite, par exemple, soit financée en prenant sur les impôts des entreprises. Donc, si vous faites de mauvais résultats, c’est à dire qu’à ce moment là vous ne payez pas les retraites ou moins ? Il y a un certain nombre de personnes qui proposent des réponses qui ne tiennent pas la route et qui sont irresponsables sur le plan financier.
On vous a déjà proposé d’être ministre. Cela vous intéresserait-il aujourd’hui d’entrer dans le gouvernement ?
Non, ça ne m’intéresse pas, parce que pour moi, l’action importante est sur le long terme. Être ministre pendant 6 mois ou 1 an, on ne fait rien. Il ne faut pas tourner autour du pot. L’action municipale m’intéresse, celle qu’on a menée et qui nous a permis de lancer des actions depuis des années et qui continuent à voir le jour. Par exemple, on va inaugurer bientôt le nouveau centre social, qui a mis 5-6 ans à se faire, on a également la protection des Rochelais contre les submersions marines, c’est 3-4 ans de travail ou encore la politique environnementale de La Rochelle, le zéro carbone, c’est un plan à 30 ans. C’est ça qui me passionne, les actions de court terme ne m’intéressent pas.
"On est dans un moment politique qu'on n'a pas encore connu"
Cela fait plusieurs dizaines d’années que vous êtes dans le milieu de la politique, est-ce que l’on a déjà vu la France dans un état similaire politiquement ?
On est dans un moment politique qu’on n’a pas encore connu, avec un président qui a tenté un pari et qui l’a raté en tentant de créer une situation politique nouvelle. […] On a traversé des périodes délicates, celle la est quand même très délicate parce que la dette est énorme. La 4ᵉ République était quand même bien pire, avec des gouvernements qui ne tenaient pas longtemps. Les personnes qui veulent des scrutins proportionnels vont créer une situation similaire, il n’y aura plus de majorité. Aujourd’hui, les partis n’ont pas appris à travailler ensemble. C’est la grande difficulté. Il faut qu’ils apprennent à faire des compromis, ce que nous faisons tous les jours dans nos collectivités.
Au niveau social, de nombreux plans de licenciement sont annoncés, comment pourrait s’annoncer la suite au niveau social?
Sur l’action sociale, ce qui est important, c’est qu’elle soit efficace et que l’argent dépensé le soit de manière utile. On a des difficultés avec le CCAS, avec un taux d’absentéisme qui est énorme. Ce n’est pas possible de continuer comme ça. Donc oui, l’action sociale est indispensable à l’équilibre d’un pays. Je le dis souvent, au niveau de La Rochelle, elle ne doit pas marcher à deux vitesses. On a multiplié les actions sociales sur le territoire, avec, par exemple, des tarifications sociales sur les bus ou le stationnement. Ceux qui ont moins doivent payer moins, et ceux qui ont plus doivent payer plus. C’est la règle.
Maintenant, il ne faut pas croire qu’à l’échelle de la France, en taxant davantage certaines entreprises, on arrivera à régler la question. La taxation des entreprises est un frein à l’emploi. Macron a raté la dissolution et son lien avec les Français, mais c’est quand même le président qui a créé 2 millions d’emplois. Regardez, le chômage n’est même plus une question alors que l’on voit des plans sociaux arriver. Il a réussi à remettre plein de gens au travail, et c’est un élément favorable.
Vous alertez depuis le mois d’octobre sur les difficultés budgétaires, comment envisagez vous l’avenir ?
On a reporté le budget, il faut travailler sur des bases. On a fait un travail de socle, c’est-à-dire que, dans l’hypothèse la pire, on sait faire. Mais maintenant, il y a des projets auxquels on a renoncé. Donc si on a plus de marge de manœuvre, ça sera mieux. J’ignore complètement la position du nouveau Premier ministre là-dessus. Notre pays est dans une situation difficile, il a une dette terrible. Il faut faire des efforts budgétaires, mais il faut les faire intelligemment. Les collectivités territoriales, par exemple, financent l’investissement, construisent des écoles, des centres sociaux, des équipements dont le pays a besoin. Je pense que les économies sont à faire sur le train de vie de l’État. C’est facile à dire, mais plus difficile à faire, parce que les Français souhaitent qu’il y ait plus de militaires, plus de moyens pour les hôpitaux et l’éducation. Mais à la fin, ils veulent payer moins d’impôts. C’est une équation pratiquement impossible, le bon sens montre qu’il faut assumer ses choix et les financer.
Quelles solutions pour améliorer le budget ?
Je ferais plus de décentralisation. Il y a des doublons entre l’État et les collectivités. Il faut leur faire plus confiance. Il y a des redondances dans de nombreux domaines. L’État doit assurer toutes ses missions, comme l’éducation et la défense nationale, et laisser les collectivités faire leur travail de proximité et d’investissement. La décentralisation est bien faite.
Municipales 2026 : "Je me positionnerai l'été prochain"
Pour les élections municipales de 2026, avez-vous pris une décision quant à votre candidature ?
Je n’ai pas encore pris de décision personnelle. Je me positionnerai l’été prochain pour savoir si je continue ou pas. À la fois, j’en ai envie, mais je ne suis plus tout jeune. Je ne sais pas moi-même encore si je me représenterai.
Mais en tout cas, ce que je souhaite, c’est que la ville garde le cap sur les questions environnementales. C’est un des atouts importants de notre ville et un enjeu politique majeur. Il faut garder ce cap, c’est très important pour moi. Nous avons été en pointe, et nous le sommes toujours. Regardez les mobilités, les vélos, les bus, c’est une action qui fonctionne bien. Il est essentiel de continuer sur cette lancée.
Cela fait 10 ans que vous êtes maire, comment jugez-vous votre action sur la ville de La Rochelle depuis 2014 ?
C’est difficile de se juger soi-même, je vais répondre à cette question différemment. J’aimerais, dans les années qui viennent, résoudre un certain nombre de difficultés, comme l’hôpital de La Rochelle. On se bat pour l’avoir, mais les différents mouvements ont fait que cela n’était pas possible. Parmi les dossiers importants que je vois, il y a le pont de Tasdon et la stabilisation du CCAS, qui est pour moi une priorité. Je pense qu’on a réussi sur l’emploi, notre territoire a changé de vitesse aujourd’hui, et on a aussi réussi sur notre attractivité. Il y a un consensus pour dire qu’on a embelli la ville. Le retour des jeunes et des familles à La Rochelle, avec des écoles qui ont rouvert, sont des éléments favorables. Les éléments délicats restent le logement et les prix, qui sont trop élevés pour la jeunesse et pour tout le monde. Il faut continuer à produire plus de logements sociaux. Nous sommes déjà à 30 %, mais c’est un effort qu’il faut impérativement poursuivre.
On vous a vu répéter plusieurs fois devant les Rochelais que La Rochelle ne serait pas une ville qui veut augmenter considérablement en termes de nombre d’habitants, malgré le fait qu’elle soit dynamique dans les classements et qu’il y ait une forte demande pour y habiter.
Je pense que sa taille de 80 000 habitants est un point d’équilibre. On n’a pas vocation à être une ville géante. Après, quand vous habitez à Aytré, Puilboreau, ou Lagord, c’est être à La Rochelle, c’est l’agglomération qu’il faut considérer.
Olivier Falorni était votre principal rival à La Rochelle durant les élections municipales de 2020 et le sera sans doute pour les prochaines. Quelle est votre position par rapport au député ?
Je pense qu’il a trompé les Rochelais sur son positionnement. Il leur a dit qu’il se battrait contre la réforme des retraites, mais il ne s’est absolument pas battu. Ces derniers temps, sur les finances des collectivités territoriales, il a été totalement absent. Enfin, sur les questions environnementales, il est très réservé, on le voit bien, dès que nous avons rendu le port piéton, il a râlé. Je ne pense pas que ce soit du tout la bonne personne pour l’avenir de La Rochelle.
Olivier Falorni n’a pas bougé le petit doigt sur la question budgétaire pour La Rochelle. Il a été très absent sur ce sujet. Après, pour moi l’enjeu n’est pas cette personne, l’enjeu, c’est que demain notre ville continue un cap, c’est le cœur de l’action politique qui est important pour moi.