L’amendement de Falorni pour obliger les plaisanciers à se déclarer fait grincer des dents Jean-François Fountaine à La Rochelle

Loi Narcotrafic à La Rochelle. Un amendement déposé par Olivier Falorni prévoit d’obliger les plaisanciers à fournir leurs informations aux ports, une mesure issue d’une expérimentation menée à La Rochelle. Jean-François Fountaine, a lui dénoncé un manque d’écoute des élus locaux et a formulé plusieurs demandes suite à la promulgation du texte. Une prise de position qui a ravivé les tensions entre les deux hommes politiques.

Le port de plaisance de La Rochelle est le plus grand d'Europe | TL - INF la Rochelle
Le port de plaisance de La Rochelle est le plus grand d'Europe | TL - INF la Rochelle

Fruit d’une expérimentation lancée en février 2025 par la préfecture de Charente-Maritime, un amendement déposé par Olivier Falorni a été intégré au texte de loi « Sortir la France du narcotrafic », qui a été adopté la semaine dernière. Concrètement, il demande à l’ensemble des plaisanciers qui transitent par les ports de plaisance de remplir une déclaration, comme cela se fait déjà avec les bateaux venant de l’extérieur de l’espace Schengen, qui doivent communiquer leur provenance, leurs équipages et passagers, marchandises… Ce sera ensuite aux ports d’héberger les données et de les communiquer aux renseignements.

Comme l’explique le préfet, Brice Blondel, le port de plaisance de La Rochelle est le plus grand d’Europe, avec près de 5 000 anneaux et 1 000 mouvements d’anneaux : “il y a peu de chances que le nautisme ne soit pas concerné par le fléau qu’est le narcotrafic”, selon le représentant de l’État. Cela a motivé le lancement d’une expérimentation il y a 3 mois, “qui est contestable et discutable dans certains aspects” et qui a débouché sur l’amendement. Il rappelle que des bateaux venant des villes voisines, mais aussi de l’Europe et du monde, viennent dans le port de La Rochelle chaque année.

Il souhaite ainsi lever l’anonymat autour des plaisanciers afin de mieux gérer les flux de biens et de personnes, ainsi que la gestion des contrôles et des enquêtes, comme cela se fait déjà aux Antilles françaises. “Il est normal de changer la réglementation sur les angles morts.” Il tient cependant à rassurer les plaisanciers : “cette déclaration à distance ne sera pas plus contraignante que de commander un McDo sur Uber Eats”. De plus, il n’y aura pas beaucoup de charge administrative supplémentaire pour les ports, si ce n’est d’héberger les données.

Le député Olivier Falorni, le maire Jean-François Fountaine, le procureur Arnaud Laraize et le préfet Brice Blondel, accompagnés des représentants du port, des douanes, de la gendarmerie et de la police | TL - INF la Rochelle
Le député Olivier Falorni, le maire Jean-François Fountaine, le procureur Arnaud Laraize et le préfet Brice Blondel, accompagnés des représentants du port, des douanes, de la gendarmerie et de la police | TL - INF la Rochelle

"Le narcotrafic est une gangrène mortelle pour notre pays"

Si le texte passe le Conseil constitutionnel, la mesure sera donc appliquée à un large nombre de ports français, comme l’a expliqué Olivier Falorni durant une conférence de presse ce lundi au port des Minimes, accompagné du préfet Brice Blondel, du maire Jean-François Fountaine, du président du port et des représentants des forces de l’ordre. Le député MoDem de la 1ʳᵉ circonscription de Charente-Maritime a rappelé devant un large nombre de journalistes les enjeux de la lutte contre le narcotrafic, “qui est une gangrène mortelle pour notre pays, nos enfants, nos concitoyens, pour notre économie, notre société, nos institutions, notre État de droit“.

Le député a également travaillé sur un autre amendement avec le procureur de La Rochelle, Arnaud Laraize, afin de sanctionner pénalement les détenus qui communiquent avec l’extérieur.

"A t'on le droit de ficher les plaisanciers ?" s'inquiète Jean-François Fountaine

Après avoir partagé les propos d’Olivier Falorni sur le fléau qu’est le narcotrafic, le maire de La Rochelle, Jean-François Fountaine, qui connaît le monde du nautisme comme sa poche avec son passé de chef d’entreprise chez Fountaine Pajot et de skipper, a dénoncé le manque d’écoute des élus locaux dans ce texte, comme l’Association des maires de France ou ceux du littoral. Il s’inquiète également du manque de cadre du texte, notamment du fait qu’il n’y ait aucune obligation pour les plaisanciers de se déclarer, et s’interroge sur ce que risquent les plaisanciers qui refusent de se déclarer. 

De plus, il a demandé la fin des 53 ports passoires en France, issus d’une convention entre les douanes, la police aux frontières et les ports de plaisance, et qui permettent, selon Jean-François Fountaine, de passer en France sans contrôle. Le port de plaisance de La Rochelle en fait partie, assume le maire, qui est prêt à revenir à la situation d’avant avec la fin de cette dérogation.

Il a également réclamé le retour des douanes et de la police aux frontières dans le port, leur proposant même un bâtiment afin qu’ils s’y installent et organisent des contrôles plus réguliers. Sur le même modèle qu’aux Antilles, Fountaine a demandé plus de contrôles au large des côtes des navires de plaisance. Enfin, le maire de La Rochelle s’interroge sur l’efficacité et la légalité de l’amendement : “A-t-on le droit de ficher les plaisanciers, qui sont 8 millions en France ?“, se demandant également si l’on a le droit de demander ces informations dans le cadre de la libre circulation dans l’espace Schengen. “On demande à un plaisancier venant de l’île d’Oléron une fiche avec tous ses passagers, mais pour le même voyage en voiture, on ne demandera jamais cela“, déplore-t-il.

Le président du port de plaisance, Christian Marbach, s’est lui inquiété des contraintes supplémentaires que cela pourrait engendrer, et que les plaisanciers se détachent de cette activité à cause des difficultés, au profit du “golf” par exemple, car “la voile est l’un des derniers espaces de liberté où il n’y a pas de feu rouge“.

Le député de la Rochelle - Île de Ré, Olivier Falorni à droite et son rival, Jean-François Fountaine, le maire de la Rochelle à droite | TL - INF la Rochelle
Le député de la Rochelle - Île de Ré, Olivier Falorni à gauche et son rival, Jean-François Fountaine, le maire de la Rochelle à droite au Grand Pavois 2024 | TL - INF la Rochelle

Des décrets pour renforcer les mesures

Son grand rival aux dernières élections municipales, le député Olivier Falorni, n’a pas tardé à contre-attaquer et a indiqué que le gouvernement allait prononcer des décrets où des précisions seraient apportées, et que ce texte permettait surtout d’apporter, dans un premier temps, un cadre pénal à la lutte contre le narcotrafic. De plus, il a tenu à rassurer le maire et explique qu’il n’y aura pas moins de contrôles de la douane et des forces de l’ordre sur les bateaux, bien au contraire. Le préfet, Brice Blondel, a lui essayé de calmer le débat parfois tendu avec Jean-François Fountaine, indiquant à propos de ses propositions que “rien n’est incompatible” avec le texte de loi, et que le gouvernement irait sûrement à l’écoute des élus locaux avant de promulguer des décrets, qui devraient arriver rapidement selon Olivier Falorni, compte tenu de l’importance du sujet.

Cette conférence de presse, qui était censée présenter l’amendement, a pris une tournure de pré-campagne électorale dans une ambiance parfois électrique, et augure d’un nouveau duel entre Olivier Falorni et Jean-François Fountaine, même si, à l’heure actuelle, aucun des deux hommes politiques ne s’est déclaré candidat.

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