Ce vendredi soir, les acteurs du chantier de dépollution de l’ancien site Enedis de la rue Marcel Paul à La Rochelle ont tenu une réunion d’information sur la reprise du chantier, accompagnée de mesures de sécurité inédites, qui n’ont cependant pas convaincu les riverains. De plus, la rentabilité de l’opération commence à poser question, y compris chez Brownfields, l’opérateur qui gère le chantier.
Un peu moins d’une centaine de personnes étaient présentes vendredi soir lors de la réunion d’information sur la reprise du chantier de dépollution de l’ancien site d’Enedis de la rue Marcel Paul. Les services de l’État et le maire ont présenté le planning et les mesures autour de la reprise des travaux, accompagnés par le directeur général de l’entreprise Brownfields, Abdelkrim Bouchelaghem, ainsi que Pierre Lemenager, directeur adjoint de la société en charge de l’environnement.
Pour rappel, en novembre dernier, plusieurs centaines de personnes (entre 400 et 500 personnes avaient déclaré des symptômes) avaient été incommodées par des émanations d’hydrocarbures lors de la dépollution de l’ancien site d’Enedis situé lui-même sur une ancienne usine à gaz. Un collège et un lycée qui jouxtaient le chantier avaient alors fermé plusieurs jours. Le chantier est opéré par Speedrehab, qui est une filiale de Brownfields.
Le préfet a débuté son propos en reconnaissant les erreurs commises sur ce chantier comme il l’a fait lors des précédentes réunions, rappelant la volonté de renouer un lien de confiance avec les habitants. Thibaut Guiraud, le maire de La Rochelle, a rappelé que le dossier était au cœur des préoccupations et que « si on avait pu éviter le fiasco et le climat anxiogène, tout le monde aurait fait le maximum pour l’éviter ». Il assure ne pas vouloir « refaire les erreurs du passé ».
Des mesures de sécurité "inédites"
Lors de cette réunion publique, les résultats des études menées ont été jugés « rassurants ». Dès le 30 juin, les engins de chantier seront de retour en préparation de la reprise effective des travaux de dépollution prévue le 7 juillet, au début des vacances scolaires. L’objectif est de terminer la dépollution avant la rentrée de septembre, pour éviter toute source d’anxiété chez les élèves et le personnel.
Ces mesures de sécurité « extrêmement exigeantes » ont été mises en place suite à un rapport indépendant du BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières). Elles comprennent notamment une tente déportée équipée d’un système de traitement de l’air, destiné à neutraliser les odeurs des matériaux manipulés. Une aspiratrice sera également utilisée pour capter l’air potentiellement pollué, qui sera ensuite dirigé par des tuyaux. Par ailleurs, un système de brumisation sera installé, ainsi qu’un procédé appelé « hydrocovering » : il s’agit d’asperger les matériaux odorants avec un produit contenant de la cellulose, afin de les rendre étanches.
La surveillance environnementale sera également renforcée, notamment en ce qui concerne les mesures des polluants dans l’air. Les seuils fixés seront « inédits », particulièrement pour le benzène, reconnu comme « cancérogène certain ». Sa limite sera abaissée à 20 microgrammes, contre 27 000 microgrammes auparavant. Selon le directeur général de Brownfields, cette décision fera désormais jurisprudence. Il souligne que le dossier de La Rochelle est unique en son genre, et déclare : « Il y aura un après La Rochelle ».
L'idée d'un dôme écarté
Cependant, ces annonces n’ont pas vraiment rassuré les participants de la réunion. En effet, plusieurs zones polluées subsisteraient dans les sous-sols du terrain, devant être extraites. Un riverain a notamment dénoncé la présence d’un seul chronographe, alors que le rapport du BRGM en préconisait quatre. L’appareil, censé alerter en cas de dépassement des seuils, est pour l’instant le seul disponible sur le marché. Il sera déplacé selon le vent, une solution qui a suscité des doutes, le vent changeant fréquemment, surtout en bord de mer.
Quant à l’idée d’installer un dôme sur le chantier pour confiner les émanations, elle a été écartée en raison de la présence d’un bâtiment au centre du site. Certains ont aussi demandé pourquoi ne pas utiliser deux ou trois tentes pour couvrir l’ensemble du chantier. Le directeur général de Brownfields a répondu que cela rallongerait les délais de mise en place et risquerait de remuer la terre pollué.
Malgré cela, parents d’élèves et personnel restent préoccupés, notamment sur les effets cumulés d’autres polluants qui pourraient créer un « effet cocktail », comme l’a souligné une enseignante redoutant des maladies sur le long terme. Une proposition d’une médecin pédiatrique a également été salué par les participants à savoir des tests tous les 6 mois à 1 an afin de détecter d’éventuelles maladies.
Le maire a également été interpellé, certains lui demandant s’il aurait accepté de scolariser ses propres enfants à Fénelon dans ces conditions.
La rentabilité du projet commence à poser question
Durant la réunion publique, plusieurs personnes présentes se sont interrogées sur les moyens mis en œuvre, se demandant si les aspects financiers n’étaient pas privilégiés au détriment de la santé des habitants. Le préfet a rappelé qu’à l’exception des chronographes, la majorité des mesures recommandées dans le rapport du BRGM avaient bien été appliquées, insistant sur le fait que « le protocole n’est pas un compromis entre les coûts et la santé des personnes ».
Cependant, la société a perdu énormément d’argent sur le chantier, que ce soit à cause du retard pris, des divers outils ainsi que des mesures mises en place sur le chantier suite aux émanations. Interrogé par INF La Rochelle, Abdelkrim Bouchelaghem a indiqué que « cela coûte énormément d’argent, personne n’a idée à quel point », refusant cependant de donner des chiffres précis. Est-ce que le projet sera encore rentable à la fin ? « Je commence à me poser la question honnêtement », a indiqué le directeur général de Brownfields auprès de notre média.