Alors qu’une nouvelle crise majeure agricole se profile, l’ancien ministre de l’Agriculture Dominique Bussereau s’est exprimé auprès d’INF La Rochelle sur les difficultés que traversent les agriculteurs, le Mercosur, et les mesures du gouvernement.
Après la crise de janvier dernier, les agriculteurs avaient pris acte des mesures du gouvernement et avaient cessé les blocages, sans pour autant éteindre la colère du monde agricole. Aujourd’hui, les agriculteurs sont encore plus en rogne, notamment avec le traité du Mercosur et les difficultés du secteur qui se sont aggravées. Dominique Bussereau, ancien président du département de la Charente-Maritime et ministre de l’Agriculture de 2004 à 2007, a accordé une interview à INF La Rochelle, répartie en deux volets : la première partie sur le budget 2025 et la seconde sur la crise agricole française, les deux sont disponibles sur notre site.
Selon vous, comment le gouvernement peut réagir à la nouvelle crise agricole qui s'annonce ?
Dominique Bussereau : « Lors de la crise des débuts du gouvernement Attal, il y a eu quelques mesures conjoncturelles qui ont permis d’éteindre l’incendie. Le chantier de la loi d’orientation agricole était très insuffisant lors de sa première version, il a bien été modifié, mais avec la dissolution, il ne reviendra qu’en janvier au Sénat, sans que les syndicats ne soient pleinement satisfaits. On peut espérer qu’il soit voter au début de l’année, mais cela fait un décalage de quelques mois qui créent un mécontentement dans le monde agricole. Le gouvernement a pris une bonne mesure la semaine dernière, car maintenant sous l’autorité des préfets, tous les contrôles seraient réduits en une seule fois, au lieu d’avoir une quarantaine de contrôle, qui sera établi en fonction des périodes de l’année, des récoltes. Cela ne règle pas malgré tout le malaise, on va assister à une mobilisation dont je suis incapable de deviner et décerner l’ampleur, et qui dépendra de la relation de confiance entre les agriculteurs avec la nouvelle ministre de l’agriculture et le gouvernement. Michel Barnier a déjà été ministre de l’agriculture il connait bien les dossiers ».
Est-ce que le Mercosur peut vraiment porter atteinte aux agriculteurs français et à leurs produits ?
« On a déjà vu toute la médiatisation autour de l’accord avec le Canada et finalement on se rend compte qu’avec l’import-export, la France est largement bénéficiaire en matière d’exportation. Le Mercosur tombe mal, mais il ne faut pas exagérer les conséquences négatives ; il y aura des importations de viande bovine et de plusieurs types de produits, viticoles ou autres. Je pense que ce n’est pas de nature, à moyen et long terme, à concurrencer réellement nos productions, car ce n’est pas de la même qualité. Le député Benoît Biteau dit que c’est ce traité, c’est plus de déforestation mais alors regarder quand vous achetez votre iPhone de chez Apple, c’est le produit d’une industrialisation de masse en Chine, avec les Ouïghours, etc. Si on ne regarde que les côtés négatifs, il n’y aura jamais d’échange avec l’étranger. Il y a un excès d’énervement sur le Mercosur, maintenant, il faut des garanties et des périodes de transition. Le gouvernement a raison d’être dur dans la négociation ; je comprends que cela fasse peur aux syndicats agricoles, car ils sont dans une situation compliquée. ».
Pour vous est-ce que l'Europe représente un problème pour l'agriculture française ?
« Le monde agricole français est le secteur économique qui a le plus évolué depuis la guerre, mais les agriculteurs se sont adaptés en augmentant les surfaces. Je suis admiratif des agriculteurs ; ils sont chimistes, analystes, chefs d’entreprise, devenus de véritables entrepreneurs. Je crois que l’atout de la France, c’est le marché agroalimentaire européen et mondial avec la qualité de nos produits céréaliers, viticoles et notre agriculture bio, qui n’est pas une agriculture de slogan politique. Sans la PAC (Politique agricole commune), il n’y aurait plus d’agriculture en France. J’ai passé un tiers de mon temps, quand j’étais ministre, à défendre l’agriculture dans les instances européennes, qui permettent à des concurrents de venir. Je crois véritablement qu’à partir des années 2019, il y a eu un verdissement de la politique agricole à marche forcée contre le monde agricole. ».