Le retour d’une guinguette au Gabut a été voté en conseil municipal ce lundi soir. L’exploitation a été confiée à la même société qui gérait La Belle du Gabut sur ce site entre 2017 et 2019, ce qui suscite le mécontentement de certains restaurateurs et commerçants. La délibération a fait tache au sein de la majorité municipale, avec le vote contre de Pascal Daunit, qui pourrait perdre son poste d’adjoint dans les prochaines semaines.

On ne connaît pas encore le nom, mais le retour d’une guinguette au Gabut se confirme avec le vote, ce lundi soir en conseil municipal, d’une concession de 10 ans à la société « Petite Lune », qui exploitait la « Belle du Gabut » sur le même site de 2017 à 2019, dans un débat très animé, y compris au sein même de la majorité municipale.
« Ce site était un gigantesque parking à l’époque », relève le maire Jean-François Fountaine, qui rappelle l’historique du lieu, qui a été plusieurs fois au cœur de projets hôteliers avant de nouvelles réglementations suite à Xynthia. « Il faut faire vivre le site avec une guinguette, qui a bien marché et a eu l’adhésion des Rochelais […] On a eu quelques observations, que ce n’était pas loyal et que l’entreprise qui gère a eu quelques avantages », continue-t-il, faisant mention de l’établissement qui était sur le même site de 2017 à 2019, « La Belle du Gabut », qui contribuait au dynamisme du territoire avec un « succès considérable », selon le maire, qui ajoute la mention dans plusieurs guides touristiques du site. Par la suite, la Ville a essayé d’exploiter l’endroit, mais c’était trop lourd et coûteux à organiser. « On a décidé de lancer une grande consultation auprès des habitants du Gabut de presque 1 an », réunissant des Rochelais, acteurs locaux, y compris des commerçants.
Ainsi, 676 personnes ont déclaré passer souvent sur le site et 452 personnes aller dans des commerces de proximité du quartier. Puis, après un vote en conseil municipal le 1er juillet 2024, un appel d’offres a été lancé, avec 2 dossiers qui ont été retenus sur plus d’une vingtaine qui se sont retirées, grâce à un cahier des charges très strict, selon le maire, qui a amené, après des entretiens et des évaluations, à la désignation de la société « Petite Lune » pour la concession de 10 ans des bâtiments du site.
Un vote dispersé, y compris au sein de la majorité municipale
Plusieurs restaurateurs de l’UMIH, un syndicat de l’hôtellerie-restauration, ainsi que des riverains étaient présents ce lundi soir, craignant notamment la concurrence déloyale du site, comme expliqué dans notre article de vendredi dernier. Jean-François Fountaine a indiqué qu’il avait rencontré le syndicat et qu’un comité de suivi allait être mis en place, dénonçant également certains arguments : « S’il y avait eu des avantages considérables, y’aurait eu plein de candidatures. » Finalement, le vote de la concession a été adopté, avec 5 abstentions au sein de la majorité municipale et 11 votes contre, dont celui de Pascal Daunit, qui est membre de la majorité municipale.
Le groupe d’opposition des écologistes, emmené par Jean-Marc Soubeste, a annoncé soutenir le vote, comprenant malgré tout les remarques des restaurateurs et commerçants locaux. Cependant, ce n’est pas le même son de cloche chez leurs collègues du Renouveau, comme l’explique le conseiller municipal Thierry Tourgeron. Il s’est étonné de l’ajout, mardi dernier, de cette concession à l’ordre du jour, qu’il juge « malvenue et scandaleuse« . Il dénonce le manque de discussion autour du choix et le vote dans un contexte économique tendu pour le secteur de la restauration, critiquant également la politique de la Ville concernant la voiture, qui selon lui pénalise le commerce : « Un poumon économique qui est en assistance respiratoire. » Le conseiller municipal, qui a demandé un vote à bulletin secret, se demande également ce que va devenir le site de la Rebelle, exploité également par « Petite Lune ».
L’adjoint au maire, Pascal Daunit, qui a annoncé en janvier porter un projet en vue des élections municipales pour Renaissance, a indiqué avoir voté contre la délibération, dénonçant deux propositions qui ne satisfaisaient pas le cahier des charges, malgré les demandes de précisions formulées. « Le dossier choisi pose des encore interrogations […] ce sont des sujets qui demandent transparence et partage […] Il me semble dans l’intérêt des Rochelais et des commerçants que le projet retenu précise certains aspects. Nous avons attendu une quarantaine d’années, nous pouvons encore patienter quelques semaines. » Un geste symbolique, mais qui montre comment l’adjoint chargé de la sécurité et tranquillité publique souhaite se distinguer en vue de 2026. Et cela a visiblement titillé le maire : « Si vous croyez, monsieur Daunit… » a-t-il répondu plus tard à une intervention de la conseillère municipale d’opposition, Aya Koffi, sur la question du cahier des charges. Pascal Daunit s’éloigne petit à petit de la majorité municipale, et pourrait même perdre son poste d’adjoint au maire dans les prochaines semaines, selon nos informations.
Une concession de 10 ans trop longue ?
Michel Tillaud, conseiller municipal d’opposition, a lui dénoncé un projet qui ne correspond pas à ce que la majorité des personnes ont exprimé, et qui devrait être un lieu de cohésion sociale selon lui, rebondissant : « Vous êtes en train de créer de la collision sociale. » Il en a profité pour dénoncer la longueur de la concession de 10 ans, du 30 avril 2025 au 30 avril 2035 : « Il restera encore cette verrue que vous aurez portée » pour la prochaine municipalité. Eugénie Têtenoire, adjointe chargée du dialogue citoyen, a défendu une concertation qui a pris du temps avec de nombreux acteurs et habitants interrogés. Elle ne souhaite pas nier le fait que, depuis la fin de la concertation jusqu’à maintenant, certains commerces ont pu s’installer dans le quartier, et défend un projet proche de ce qui a été conclu lors de l’échange collectif. L’adjointe au maire tient cependant à rappeler le procédé utilisé, qui a permis de faire entendre la voix de l’ensemble des Rochelais et des acteurs concernés, qui se sont exprimés sur la question.
Franck Coupeau a lui rappelé le vote à l’encontre de l’appel d’offres en juillet dernier du Renouveau, dénonçant le fait qu’il aurait préféré deux délibérations : une pour la concession à « Petite Lune » et une autre pour la réhabilitation d’une partie de la friche, qui sera à la charge de la municipalité. De plus, il s’est interrogé sur un possible cadeau de la mairie. Pourquoi ? Pour rappel, l’exploitant devrait réhabiliter deux bâtiments de la friche pour un coût de 2 millions d’euros à sa charge : « Un amortissement de 2 millions d’euros, c’est 200 000 € par an sur 10 ans. Les travaux vont avoir lieu dans 2 ans, avec deux saisons pour rentrer de l’argent. Ce qui va se passer dans 2 ans, cette société, j’espère, va faire un financement avec une franchise d’1 an, voire 18 mois le temps des travaux. On va lui permettre donc de rentrer 600 000 voire 700 000 € d’amortissement d’avance sur les 2 millions de travaux« , explique le conseiller municipal, qui connaît bien le sujet puisqu’il est également directeur d’une agence bancaire.
Il a également demandé à faire intervenir les représentants des restaurateurs durant le conseil municipal, une demande refusée par Jean-François Fountaine. Dominique Guégo, 4ᵉ adjoint, a lui indiqué que l’offre était améliorée, mieux cadrée et plus resserrée, avec 22 dossiers retirés et 2 réponses. « Si c’était si facile de gagner de l’argent, nombre d’investisseurs s’y seraient intéressés ». Il a également contredit le chiffre de 5 millions d’euros de chiffre d’affaires par an qu’aurait fait « La Belle du Gabut » à l’époque, estimant qu’il aurait été au maximum de 2,7 millions d’euros sur une année. Thibaut Guiraud, adjoint chargé des finances, a lui prévenu qu’au moindre écart entre la stratégie d’investissement et la réalité, le contrat serait résilié, qui souhaite donner une preuve de l’exigence de la mairie autour du dossier.
Un dossier compliqué pour la mairie et qui ne plaît visiblement pas à tout le monde, y compris au sein de la majorité municipale. Guillaume Jacques, le président de l’UMIH Charente-Maritime, a lui indiqué qu’ils allaient travailler sur les recours légaux possibles pour faire face au projet.