La Rochelle : le chantier de l’ancienne usine à gaz continue de susciter des inquiétudes malgré les engagements

Après une nouvelle réunion publique mardi soir, le chantier de l’ancienne usine à gaz continue d’inquiéter les riverains ainsi que les chefs d’établissement du groupe scolaire Fénelon Notre-Dame, malgré les engagements pris par les différents acteurs du chantier et les autorités.

Brice Blondel, préfet de Charente-Maritime devant une manifestation de Zero Toxic avant la réunion public | TL - INF la Rochelle
Brice Blondel, préfet de Charente-Maritime devant une manifestation de Zero Toxic avant la réunion public | TL - INF la Rochelle

Depuis novembre, le dossier du chantier de l’ancienne usine à gaz ne s’éteint pas. Malgré plusieurs réunions entre les différents acteurs du chantier avec les riverains et les parents d’élèves des écoles à côté, les inquiétudes sont toujours présentes, comme constaté mardi soir au cours d’une nouvelle réunion publique organisée par la préfecture.

Pour rappel, en novembre dernier, le chantier d’un immeuble sur un ancien site d’Enedis avait été arrêté après que plusieurs riverains et élèves d’un groupe scolaire avaient été pris de vomissements et de maux de tête après avoir inhalé des odeurs d’hydrocarbures. Par la suite, il avait été fait le lien avec la présence d’une ancienne usine à gaz sur le site, avec des cuves contenant divers polluants. Un chantier de dépollution sous haute surveillance a eu lieu le 21 décembre afin de sécuriser les derniers métaux et ferrailles du site, avec un dispositif de sécurité important pour éviter toute nouvelle nuisance pour les riverains.

La salle du Carré Amelot était remplie durant la réunion publique, qui a duré près de 2h30. | TL - INF La Rochelle
La salle du Carré Amelot était remplie durant la réunion publique, qui a duré près de 2h30. | TL - INF La Rochelle

"Un chantier très impactant pour le voisinage"

Le préfet, Brice Blondel, a reconnu l’impact du chantier sur le voisinage, avec les fortes émanations ressenties ainsi que l’impact très fort sur la vie quotidienne. « Plusieurs centaines de personnes ont déposé les symptômes qu’elles ressentaient », indique le représentant de l’État, qui tient cependant à préciser qu’il n’y a pas eu de pathologie grave ou sérieuse, malgré le traumatisme causé aux riverains. Il tient également à réaffirmer la transparence de ses services vis-à-vis du chantier et de son évolution.

Il reconnaît également des dépassements anormaux sur certains polluants qui n’auraient pas dû se produire : « Il ne faut pas nier la réalité. » Brice Blondel a également annoncé, avec l’entreprise SpeedRehab, en charge du chantier, la reprise partielle des opérations sur le site pendant les vacances de février. Il reste encore le vidage partiel d’une des quatre citernes contenant des hydrocarbures, ainsi que le transport des citernes afin de les nettoyer hors du site. Des petits travaux vont également être réalisés à l’intérieur du bâtiment, comme sur du mobilier. Il n’y aurait plus d’amiante à l’intérieur de l’ancien immeuble d’Enedis. Brice Blondel tient à rassurer les riverains et indique que le même dispositif que celui du 21 décembre sera mis en place afin d’éviter toute nuisance, avec un extracteur d’air, un brumisateur, etc. Il précise qu’en cas de dépassement des seuils, des mesures seront prises.

Le maire, Jean-François Fountaine, de son côté, a tenu à rappeler que si les mesures de sécurité mises en place ne sont pas respectées, « nous réagirons fermement et violemment« .

Le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) a également été sollicité par la préfecture afin de mener une mission d’expertise extérieure pour « porter un regard critique sur la manière dont le chantier a été mené lors de sa phase initiale, d’août à septembre, sur son encadrement ainsi que sur le caractère anormal des nuisances« . Il souhaite également que le chantier ne reprenne pas tant qu’il n’y aura pas une vision précise de l’état des sols. Ainsi, initialement, des engins mécaniques devaient effectuer des prélèvements dans le sol du chantier afin de vérifier s’il restait des polluants, mais face aux craintes des riverains concernant de potentielles nuisances, l’opération a été reportée, a indiqué Brice Blondel.

Des inquiétudes qui ne retombent pas

Les autorités reconnaissent malgré tout des erreurs et que « la confiance a été brisée, on a besoin de la reconstruire pas à pas », comme l’explique le maire de La Rochelle. Malgré tout, elles cherchent également à rassurer, comme Laurent Flament, le directeur de l’ARS Charente-Maritime, qui a rappelé que plusieurs mesures ont été effectuées et n’étaient pas inquiétantes, sous les seuils de limites. « On a évalué le risque pour une personne fragile, exposée 24h/24 au pic de polluants chaque semaine, afin de mesurer le potentiel risque de développer une maladie. Dans toutes les évaluations, ce risque est faible. » Il y aurait deux personnes à risque de cancer sur un million de personnes exposées 24h/24. Laurent Flament rassure et explique qu’il n’y a pas de risque à long terme et qu’aucun suivi médical spécifique n’est à envisager. Il reconnaît cependant qu’il peut y avoir une grande anxiété et un traumatisme psychologique, et indique qu’un suivi individuel peut avoir lieu pour les personnes les plus touchées auprès d’un psychologue ou d’un expert du milieu.

Cependant, ces explications n’ont pas satisfait une partie de l’assemblée, qui reste particulièrement inquiète face à la reprise des travaux, comme le directeur de l’établissement Fénelon Notre-Dame, qui a déploré le fait de ne pas avoir été informé en amont de la reprise des travaux pendant les vacances scolaires, période durant laquelle des stages ont lieu dans l’établissement, ainsi que la présence de personnels. « Je n’ai aucune envie de participer à nouveau à ce traumatisme », indique le chef de l’établissement qui avait fermé quelques jours en novembre après que plusieurs élèves étaient tombé malade. Il dénonce également le fait que ce traumatisme n’est pas suffisamment pris en compte.

Une professeure d’histoire-géographie du même établissement, qui jouxte le chantier, a également déploré le comportement d’un représentant de la ville : « Après une première réunion en novembre avec un représentant de la ville, on était ressortis avec un sentiment de méprise de sa part. » Elle critique le manque de préparation dans son discours ainsi que des propos déplacés sur l’immobilier à La Rochelle. Elle souligne également que les odeurs sont ressenties depuis septembre, bien avant la prise des premières mesures en novembre, qui fut un mois « infernal » pour elle en raison des nuisances. La professeure s’interroge aussi sur la cohérence entre ce qui est enseigné dans sa matière et la situation du chantier : « Il m’est assez compliqué, en tant que professeure, d’enseigner la COP21 ou les 17 ODD avec ce qui se passe à côté. »

Image Illustration INF 2025 02 19T180513.613
De gauche à droite, Emmanuel Cayron, secrétaire général de la préfecture, Brice Blondel, préfet, Jean-François Fountaine, maire de la Rochelle, François Flament, le directeur de l'ARS 17 et Delphine Charier chargée de la santé publique à la Rochelle | TL - INF la Rochelle

Du cynaure dans les urine d'enfant ? Pas d'inquiétude à avoir selon le directeur de l'ARS

Plusieurs participants de la réunion publique, membres de l’association Zéro Toxic, ont indiqué avoir trouvé du cyanure dans des jardins et dans l’urine des enfants. Selon le directeur de l’ARS, il y avait une connaissance concernant la présence de cyanure et de plomb, mais ceux-ci n’étaient pas volatils. Il n’y a donc pas d’inquiétude à avoir selon lui, d’autant plus qu’il indique qu’il peut y avoir de multiples raisons de retrouver du cyanure dans de l’urine, comme le fait de passer à côté d’un feu… Même réponse du côté de SpeedRehab, qui a indiqué qu’il n’y avait pas de cyanure dans l’air. Compliqué donc d’établir un lien pour le moment avec le chantier de dépollution.

Une maman d’un nourrisson a également pris la parole mardi soir afin d’exprimer son inquiétude. Son bébé avait 4 mois au moment des faits et a pleuré jour et nuit pendant 7 jours, selon ses propos. « Cela aurait pu amener à un drame avec un enfant de 4 mois qui crie sans cesse jour et nuit […] Je n’ai pas confiance en cas de reprise du chantier. » Elle a demandé une dérogation à la ville afin d’éloigner ses enfants du site le temps de la reprise du chantier, mais celle-ci lui a été refusée.

Découvrez l’actualité de la Rochelle et de la Charente-Maritime sur notre site Web et en direct notre sur notre Facebook.