La Rochelle : la rue Jean Torlais, du nom d’un collabo, devrait être débaptisée

INFO INF La Rochelle – Après plusieurs mois de polémique autour de la rue Jean Torlais, un homme a permis de démontrer que l’historien et médecin avait bien été un collaborateur durant la Seconde Guerre mondiale, grâce à des articles publiés dans un journal collaborationniste. Selon nos informations, le maire de La Rochelle aurait pris la décision de débaptiser la rue.

La rue Jean Torlais à La Rochelle | GM 2025
La rue Jean Torlais à La Rochelle | GM 2025

Après des mois de polémique, la rue Jean Torlais, située dans le quartier de Chef de Baie à La Rochelle, devrait finalement être débaptisée dans les prochaines semaines, selon nos informations. En effet, après les alertes d’un premier historien en janvier 2023 adressées au maire de La Rochelle, des doutes avaient été soulevés concernant Jean Torlais, médecin rochelais et également historien, dont le nom avait été attribué à cette rue en 2011. Il était accusé d’avoir collaboré avec les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale, notamment d’avoir dénoncé l’un de ses confrères, qui était résistant, ainsi que d’avoir facilité le départ forcé d’un Français en Allemagne dans le cadre du Service du travail obligatoire (STO). Il aurait alors été condamné, selon ce même historien, à dix ans de dégradation nationale avant d’être amnistié en 1951.

Une polémique avait éclaté après que les faits qui avait été révélés afin de déterminer si la rue devait être débaptisée ou non. Une première commission avait eu lieu en novembre 2024, réunissant seize personnes, dont des historiens, un ancien procureur de La Rochelle ou encore des représentants d’associations d’anciens combattants. Elle avait décidé de ne pas débaptiser la rue. Une seconde commission avait été convoquée quelques mois plus tard dans le bureau de l’ancien maire, Jean-François Fountaine, à la suite d’un articlé publié dans Sud Ouest sur le refus de la municipalité de débaptiser la rue au nom du collabo, qui serait également un partisan du régime de Vichy et de Pétain.

Lors du conseil municipal de mai, après une intervention mouvementée de l’opposition, le maire s’était interrogé : « A-t-on la preuve que c’est un collaborateur ? […] Si on m’apporte la preuve que c’est un collabo, je serai le premier à demander à ce qu’on change […] Mais aujourd’hui, elle n’existe pas. »

Auteur dans "l'Atlantique", un journal collaborationniste

Cependant, il y a quelques semaines, Michel Goldberg, biochimiste à l’université de La Rochelle, a découvert une preuve dans les archives qui permet enfin d’affirmer que Jean Torlais était bel et bien un collaborateur durant la Seconde Guerre Mondiale. En effet, comme il nous l’explique, la médecin et historien était l’auteur d’articles sur des sujets de médecine et d’histoire dans L’Atlantique, journal collaborationniste publié à La Rochelle sous l’Occupation allemande. Il y était décrit comme un « cher et éminent collaborateur » de l’Atlantique. Dans une lettre transmise aux élus, que nous avons pu consulter, Michel Goldberg a relevé plusieurs passages écrits par le médecin dans ce journal.

Jean Torlais a ainsi rédigé plusieurs textes reflétant des idées très tendancieuses, comme cet article paru le 26 juillet 1942 : « Ce fut un très remarquable concert, celui donné ce jour-ci à l’hôtel de la Bourse, à La Rochelle, par le célèbre quatuor de Lübeck. (…) De pareilles manifestations artistiques, si parfaites en raison même des tendances musicales de l’âme germanique et si bien accordées au goût français, ne sont-elles point celles qui, mieux que toutes autres, sont capables, sur le plan supérieur de la pensée, de favoriser et de réaliser entre les deux pays un rapprochement si désirable à l’édification de l’Europe de demain ? »

Outre les écrits de Jean Torlais, L’Atlantique publiait également des articles d’autres auteurs aux propos ouvertement antisémites, comme en témoigne ce passage d’un texte sur la « question juive » : « Que ce soit du point de vue social, politique, religieux ou moral, un phénomène est constant : c’est qu’à toute période de désagrégation nationale a toujours correspondu immanquablement une arrivée massive des éléments juifs aux affaires », ou encore : « […] Semblable au microbe qui, dans un organisme sain, équilibré, résistant, peut être inoffensif, le juif devient meurtrier lorsque la résistance fléchit, lorsque l’équilibre est rompu au profit de la maladie de la société, comme il l’est dans la maladie du corps humain« .

La rue va être débaptisée

Dans une réunion qui s’est tenue vendredi avec le maire Thibaut Guiraud, plusieurs élus, ainsi que des historiens et des personnes s’étant intéressées à la question, Michel Goldberg a exposé ses arguments et présenté des preuves attestant du passé collaborationniste de Jean Torlais, notamment grâce à ses écrits dans l’Atlantique selon plusieurs sources concordantes. « Très à l’écoute », le maire de La Rochelle aurait pris la décision de débaptiser la rue après avoir été confronté à ces éléments indique plusieurs participants à la réunion.

Contactée, la ville de La Rochelle indique que la réunion était confidentielle et que le sujet sera prochainement abordé lors d’une municipalité, une réunion des élus de la majorité municipale. Rien n’est donc encore acté, selon elle. De son côté, le groupe d’opposition au conseil municipal « Le Renouveau » n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet.

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