Découvrez notre interview de Dominique Bussereau sur le budget 2025 en Charente-Maritime et au niveau national. L’homme politique français, membre du gouvernement de 2002 à 2010 et ancien président du département de la Charente-Maritime, s’est exprimé sur le budget 2025 et s’est montré confiant pour la suite.
Même après avoir raccroché les crampons, Dominique Bussereau suit encore la situation politique de très près. L’ancien homme politique français, qui fut député, ministre, ex-président des départements de France et de la Charente-Maritime, connaît mieux que quiconque les problématiques budgétaires auxquelles les collectivités locales peuvent être confrontées face au projet de loi de finances 2025. Dans ce cadre, celui qui fut président du département de la Charente-Maritime de 2008 à 2021 a accordé une interview à INF La Rochelle, répartie en deux volets : la première partie sur le budget 2025 et la seconde sur la crise agricole française, également disponible sur notre site.
Comment expliquer la situation financière que traverse le pays ?
Dominique Bussereau : « Les communes, départements et régions sont furieux concernant les mesures du gouvernement annoncées dans le projet de loi de finances 2025. Le Premier ministre Michel Barnier a indiqué que rien n’était arrêté, on peut s’attendre à de profondes modifications par rapport à la copie de l’Assemblée nationale. Le Premier ministre doit aller à Angers pour le congrès des maires en novembre, alors que la ministre Catherine Vautrin maintient le dialogue avec les associations d’élus. La copie de départ du gouvernement était très dure pour les collectivités, elle représente un prélèvement de 5 milliards d’euros sur leurs recettes. Cela fait hurler tous les élus locaux, peu importe leur sensibilité politique, et si on ajoute à cela la baisse des droits de mutation pour les départements avec la baisse de l’immobilier, cela entraînera une baisse considérable des recettes.
Les conséquences de ce budget 2025 pourraient amener à des diminutions du budget routier, des infrastructures, du soutien au monde associatif, culturel et sportif des collectivités. La Charente-Maritime n’est pas le département le plus à plaindre, d’autres départements qui n’ont pas l’économie du tourisme, etc., et donc des finances plus fragiles, n’auront pas l’occasion d’équilibrer le déficit. Le gouvernement est sûrement allé trop loin dans cette série de mesures pour les collectivités, dont la plupart ont été annulées par l’Assemblée, et il est probable que le Sénat fasse de même, d’où mon espoir raisonnable que le gouvernement fasse marche arrière. »
Est-ce que vous êtes confiant pour l'avenir des collectivités ?
« Je suis persuadé que la copie va s’améliorer, Michel Barnier a une culture de la politique locale, ce qui n’était pas le cas de Gabriel Attal. Il a été conseiller général de département depuis septembre 1973, il a également été député, sénateur, Barnier connaît très bien les territoires locaux. Il y aura des allers-retours pour le texte, des débats, des discussions, des compromis, on connaîtra la copie finale dans quelques semaines. Dans l’état actuel des choses, les mesures cassent les investissements locaux, je vois les réactions aussi des entreprises de travaux publics et du bâtiment qui ont peur. Ce qui est proposé actuellement ne peut pas rester en l’état. C’est trop tôt pour établir un jugement définitif, il faut attendre que le travail du Sénat en particulier se fasse.
Ce sont des choix que le gouvernement devra faire car quand vous mettez une pression sur des gens qui investissent, il y aura des retombées sur le plan économique. On entre dans une période difficile, avec des annonces de séismes industriels comme Michelin et Auchan, alors que dans l’industrie automobile, il y aura des pertes d’emplois. L’État ne va pas casser l’investissement local, il faut aller chercher des économies ailleurs. Le tout, à l’approche d’une période électorale chargée en 2026 avec les départementales et en 2028 les régionales, c’est donc inconcevable que le gouvernement tape sur les collectivités, il faut s’en rendre compte. Bruno Le Maire est absurde d’attribuer la dette locale aux collectivités. »
Est-ce que pour vous, il y a eu une erreur dans la gestion de la dette en France ?
« La crise de la dette, c’est une crise de l’imprévision. Bruno Le Maire a été entendu par le Sénat et bientôt par une commission des finances de l’Assemblée nationale. Ce n’est pas concevable de passer d’une prévision de 5,1 % l’année dernière à 6,1 % à l’automne, il y a eu des erreurs de prévisions et de gestion. Il faut que le gouvernement répare les erreurs de ses prédécesseurs, avec un levier fiscal qui est difficile à manier. La possibilité serait de faire des économies dans les secteurs publics, avec certains organismes ou agences qui pourraient être supprimés ou unifiés sans toucher aux domaines de la défense, de la justice et de la sécurité. On ne peut pas en faire sur l’hôpital, mais on peut en faire sur le budget de la sécurité sociale. Il y a beaucoup de domaines où des économies sont possibles, avec un record mondial d’instances qui se superposent, on peut faire beaucoup dans la sphère publique tout en préservant le régalien, le système de santé et l’éducation, auxquels les Français sont attachés.
Pour rappel, la hausse maximale de la dette s’est produite pendant le gouvernement Hollande, où elle a explosé de 45 %, alors que sous le mandat Macron elle a augmenté de 17 %. La dette actuelle est liée à la politique économique menée par le gouvernement de François Hollande, cela ne veut pas pour autant dire que les gouvernements précédents ne sont pas responsables, mais le grand saut s’est fait pendant que Hollande était président. »
Comment le gouvernement peut réussir à faire passer le texte avec l'état actuel de l'Assemblée Nationale ?
« On ne mettra pas tout le monde d’accord, le gouvernement doit prendre in fine ses responsabilités et devra passer par le 49-3. On verra à ce moment-là si les oppositions voteront pour une motion de censure, et donc le rejet du gouvernement et du budget. Il appartiendra au président de la République de prendre ses responsabilités, en nommant un autre Premier ministre ou en gardant le même. Il faudra également prendre ses responsabilités financières, ce qui n’exclut pas que le budget soit voté par ordonnance. »
Est-ce qu'on peut avoir des craintes de l'effondrement de nos système public ?
« Le gouvernement va probablement autoriser une augmentation des droits de mutation de 0,5 %, ce sera une bouffée d’oxygène pour les départements. Le marché immobilier est un marché cyclique, il est tombé très bas en ce moment, il y a très peu de permis de construire en Charente-Maritime actuellement. On ne peut pas envisager que l’immobilier reste aussi bas, et quand il redémarrera, les recettes reprendront avec les droits. C’est un creux jamais vu depuis 15 ans. La réforme du RSA devrait faciliter le retour à l’emploi et permettre à terme de réduire les dépenses liées au RSA dans les départements. La France a un taux d’emprunt plus élevé que le Portugal et la Grèce, et si on ne maîtrise pas la dette, on peut craindre des conséquences. C’est pour cela qu’il faut être très attentif et rigoureux dans la gestion de l’argent public, mais aussi au niveau des collectivités locales. Il ne faut cependant pas tenir un langage trop catastrophique, car cela va détruire le moral, il faut que les Français rachètent, investissent dans le logement. On traverse une mauvaise période, mais je ne suis pas inquiet sur le long terme, on a une économie saine en Charente-Maritime avec le tourisme, l’industrie aéronautique, et la plaisance ne régresse pas. On a même Alstom qui ne réussit pas à répondre à toutes les demandes. Les éléments de l’industrie en Charente-Maritime sont positifs, avec des moments de crise dans certains secteurs, comme celui du Cognac. »