Interview. L’ancien député et maire de La Rochelle, Maxime Bono, s’est confié à INF La Rochelle sur la démission de Jean-François Fountaine, mais aussi sur la situation politique locale et les prochaines élections municipales de 2026.
Cela faisait quelques années qu’il ne s’était pas exprimé dans la presse. Maxime Bono, l’ancien maire et député de La Rochelle, de 1999 jusqu’en 2014, s’est confié à INF la Rochelle sur la situation politique inédite que traverse la ville et les conséquences pour les prochaines échéances. Le successeur de Michel Crépeau et prédécesseur de Jean-François Fountaine est un fin connaisseur de la vie politique rochelaise et a continué à la suivre attentivement malgré son départ de celle-ci il y a plus de 10 ans.
Que pensez-vous de la démission de Jean-François Fountaine ? Était-ce, selon vous, une bonne décision à huit mois des prochaines élections ?
« Ça semble tout à fait honorable de s’arrêter à 74 ans, je comprends qu’il ait envie de vivre autre chose. J’ai arrêté à 67 ans, je ne regrette pas d’avoir accordé du temps dans une seconde partie de ma vie à ma famille. Chacun peut comprendre », analyse Maxime Bono, qui ajoute :
« Ce qui n’est pas fréquent, c’est le fait de garder la communauté d’agglomération et de démissionner du poste de maire. Ça peut amener le meilleur comme le pire. C’est-à-dire, s’arrêter avant la fin du mandat pour laisser un successeur qui peut faire ses preuves, et ma foi, cela peut permettre aux Rochelais de se faire une idée et ainsi se prononcer en connaissance de cause. Mais le fait de conserver la communauté d’agglomération risque de compliquer la chose, car elle gère les grands dossiers. C’est elle, par exemple, qui est compétente pour le développement économique, urbain, universitaire et culturel. Le nouveau maire risque d’avoir du mal à exister dans l’ombre de Jean-François Fountaine s’il reste président de la communauté d’agglomération. C’est là qu’on verra justement son habileté ou son talent. Huit mois, c’est long, surtout avec les tensions qui arrivent quand on rentre dans une période électorale, quand chacun est soumis à une forte pression. »
Comment analysez-vous cette démission, en tant qu’ancien maire de La Rochelle ?
« S’il avait démissionné après 2 ans de mandat, c’était mentir aux Rochelais, on se présente pour 6 ans. S’arrêter quelques mois avant afin de permettre à une personnalité de son équipe de se faire connaître, ce n’est pas scandaleux selon moi », indique l’ancien député de La Rochelle.
Selon lui, cette démission aurait également comme objectif d’empêcher Olivier Falorni d’accéder à la mairie : « À l’évidence, il n’a pas envie que certains lui succèdent à la mairie, qu’Olivier Falorni, le député, lui prenne sa place. Il essaye de mettre dans les meilleures conditions celui qui pourrait être son successeur. C’est un pari puisque ce n’est jamais facile d’avoir 2 têtes à l’exécutif : les deux sont liés, et on aura deux leaders à la ville et à l’agglomération. Il faut être certain qu’ils puissent bien travailler. »
Quelle relation entretenez-vous avec Jean-François Fountaine ?
« J’ai été très déçu en 2013/2014 quand il a annoncé dans la presse, quelque temps avant les élections, avant que je dise que je ne me représentais pas, que quoi qu’il arrive, il se présentait. Ce n’est pas ma façon de faire, ça m’a déçu et je me suis éloigné de lui. Après, avec le temps, je ne vis pas dans la rancœur. Le projet qu’il a développé à La Rochelle est assez différent de celui que j’aurais développé. J’ai tendance à croire que j’aurais fait aussi bien sur le plan économique et mieux sur le plan culturel, mais c’est peut-être une illusion d’optique de ma part »
Comment percevez-vous la situation politique actuelle de La Rochelle ?
« La situation politique s’est compliquée sous mon dernier mandat quand la gauche s’est divisée, avec une partie qui s’est éloignée du Parti Socialiste, avec Olivier Falorni et Jean-François Fountaine, qui étaient unis. Et depuis, on n’est pas sortis de cet affrontement entre l’un et l’autre. Je ne suis pas certain que ça ait beaucoup servi La Rochelle. Beaucoup se posent la question de ce que fera Olivier Falorni, si ses amis conduiront une liste ou pas. Il y a encore beaucoup d’incertitude, mais ce que je peux constater, sans vouloir tirer un bilan, c’est que les finances sont toujours dans un bon état, il y a un travail de qualité fait sur la voirie, mais j’ai le sentiment que le lien entre les Rochelais et le maire s’est distendu, donc ça crée une situation très particulière. Le lien entre le maire et les Rochelais est perdu, il faudra restaurer quelque chose. Chacun a sa personnalité et sa conception du rôle de maire »
Aujourd’hui encore, de nombreux responsables politiques rochelais se revendiquent héritiers de Michel Crépeau, ou du moins de ses idées. En tant que son successeur, pensez-vous qu’il est temps de s’affranchir de cette référence, 26 ans après sa disparition ?
« J’ai toujours dit qu’il m’avait beaucoup apporté et je l’aimais beaucoup, mais aujourd’hui, chacun doit se libérer de tout ça. Cette revendication permanente de gens qui ne l’ont parfois jamais rencontré, je ne suis pas sûr que ça l’aurait beaucoup plu de voir chacun dire “je suis l’héritier de Michel Crépeau”. Il a beaucoup marqué la ville, il avait une pensée politique très forte et autonome, mais je considère que chacun doit tracer son propre chemin. Cette tendance doit se finir et je ne suis même pas sûr que maintenant ça ait le même poids qu’il y a 10 ou 15 ans de dire ça. Michel Crépeau est entré dans l’histoire de La Rochelle et c’est à chacun d’écrire son histoire politique. On ne peut pas répéter à longueur de temps qu’on est son héritier, 25 ans après son décès. »
Lors de l’annonce de sa démission, Jean-François Fountaine a évoqué le fait que Michel Crépeau aurait tenté de vous mettre en concurrence à l’époque. Comment avez-vous vécu cette situation ?
« Ce n’est pas le sentiment que j’ai eu d’avoir été mis en concurrence avec Jean-François Fountaine, mais je me suis rendu compte ensuite que Jean-François l’avait, par contre, vécu comme ça. Justement, Michel Crépeau ne souhaitait pas trop qu’il ait un successeur. Quelque temps avant son décès, il avait dit que je lui succéderais. Ce qu’il aurait souhaité, en revanche, c’est que quelqu’un du Parti Radical de Gauche lui succède à l’Assemblée nationale. C’est surtout à cela qu’il était sensible, au moment de son décès. Personnellement, ça a été l’un des moments les plus difficiles, car je savais que j’allais prendre la succession à la ville et que Michel Rogeon devait prendre l’agglomération. Il y avait encore 2-3 ans de mandat. Le problème, c’est que si je ne prenais pas les deux, l’opposition aurait dit que j’étais un maire intérimaire et que je ne décidais pas sur les deux dossiers. J’ai donc insisté auprès de Michel Rogeon afin de prendre l’agglomération. Ça a été difficile pour moi, car c’était un ami, et ça aurait été élégant qu’il reprenne la suite. »
En vue des élections municipales de 2026, envisagez-vous de soutenir une liste ou un projet en particulier ?
« Mon parcours m’amènerait à soutenir une liste marquée à gauche. Il y a quelques membres du Parti Socialiste dans l’équipe actuelle, j’attends de voir comment les choses se font et si le Parti Socialiste s’approche des écologistes, ce que j’espère. Je ne suis pas un fanatique du Nouveau Front Populaire, il faut que, même s’il y a une liste d’union à gauche, les gens qui la composent puissent travailler ensemble et aient les mêmes convictions. Il ne faut pas que ce soit une union formelle mais un rassemblement de convictions. »
Pensez-vous qu’Olivier Falorni ferait un bon maire après son mandat de député ?
« Olivier Falorni a toujours voulu être maire de La Rochelle. Il a acquis une belle expérience à l’Assemblée nationale, qui lui permettrait sans difficulté d’être maire de La Rochelle. Pour répondre à la question, tant que l’on n’a pas vu à l’œuvre ce qu’une personne peut donner, c’est difficile de juger. »
La situation politique actuelle ne vous donne-t-elle pas envie de reprendre un rôle actif ?
« La vie politique, c’est fini. Beaucoup de personnes sont venues me demander des conseils, je leur ai toujours dit ce que je pensais de la situation. Chacun en fait ce qu’il veut, mais je ne m’impliquerai pas dans la campagne, je voterai en tant que citoyen et je ne m’exprimerai pas plus qu’un citoyen ordinaire. Si je m’impliquais dans la campagne, ce serait pour être maire, et je n’ai pas l’intention de refaire une carrière politique. »