Près de 500 personnes ont manifesté ce samedi à La Rochelle pour le 3ème Appel de La Rochelle afin de demander une véritable transition agricole, notamment face aux nombreux cancers pédiatriques qui touchent le territoire. Quelques semaines après la pétition contre la loi Duplomb, les participants réclament la création d’une convention citoyenne.
« C’est l’une de mes interventions les plus difficiles depuis que je suis ici, en Charente-Maritime ». Les mots forts du préfet du département, Brice Blondel, illustrent la sensibilité de ce sujet clivant. Ce dernier a ouvert les tables rondes de la 3ème édition de l’Appel de La Rochelle, organisée par l’association Avenir Santé Environnement. Plus tôt dans la journée, près de 500 personnes ont manifesté dans les rues de La Rochelle contre l’utilisation des pesticides dans la nature et pour demander une convention nationale pour la transition agricole.
Les manifestants, venus de la Charente-Maritime mais également des départements voisins, ont voulu réaffirmer la nécessité d’un questionnement autour de l’utilisation de ces produits, qu’ils accusent d’être responsables de nombreux cancers pédiatriques au sein de l’agglomération de La Rochelle, un sujet qui avait par ailleurs contribué au lancement de l’association.
"Il y a une sorte d'omerta"
À l’occasion de ce 3ème appel, de nombreuses personnalités politiques et publiques étaient présentes à la manifestation ou aux tables rondes organisées par l’association. Ainsi, la cheffe des écologistes, Marine Tondelier, était présente, accompagnée de la députée européenne Marie Toussaint ou encore des députés Jean-Claude Raux, Lisa Belluco et Benoît Biteau. Ces derniers, aux côtés de Franck Rinchet-Girollet, porte-parole de l’association Avenir Santé Environnement, sont venus soutenir l’idée d’une convention nationale autour d’une transition agricole impliquant des citoyens.
« Il faut montrer que la société a aussi sa place dans l’avenir de l’agriculture […] Il faut remettre le citoyen au centre du jeu« , explique-t-il. De son côté, la patronne des écologistes dénonce « l’impression de grande solitude » que peuvent avoir les gens qui se battent face à ces questions et qui font face, selon elle, à « une sorte d’omerta ». Marie Toussaint, la députée européenne, affirme que la « société devrait se construire à partir de ces expériences de vie à la place des malheurs […] On a besoin de savoir à quoi les populations sont exposées, on a besoin d’avancer et d’obtenir ces données« .
"Je suis en colère" depuis l'adoption de la loi Duplomb
En tête de cortège, on retrouve des victimes de maladies qui seraient liées aux pesticides, comme la maman de Pauline, décédée d’un cancer pédiatrique qui s’est exprimé avant le début de la marche : « Je continuerai toujours à me battre pour ma fille et tous les enfants touchés par des cancers », émouvant ainsi une partie du public.
Dans la manifestation, on retrouve une colère pratiquement unanime face à l’adoption de la loi Duplomb, mais également du réconfort après le succès de la pétition contre celle-ci. Benoît Biteau, le député écologiste de la 2ème circonscription de Charente-Maritime, s’est dit bouleversé après son vote, tandis que sa collègue de la Vienne, Lisa Belluco, s’est dite « en colère » depuis l’adoption du texte. « Nous sommes tous concernés par l’air que l’on respire, l’eau qu’on boit […] Nous avons tous notre mot à dire« , s’est indignée la députée, qui veut continuer à se battre face à ce texte.
"On parle ici de sujet humain et de maladie d’enfants"
Après la manifestation, des tables rondes se sont tenues l’après-midi à l’Espace Encan avec des personnalités scientifiques, publiques mais aussi politiques. Le préfet, Brice Blondel, le maire Thibaut Guiraud et Marc Maigné, le vice-président de l’agglomération en charge de la santé, se sont exprimés avant l’ouverture des débats. Le maire de La Rochelle s’est ainsi confié : « Je viens d’une famille issue de la viticulture, notamment intensive […] Je ne me rendais pas compte de ce qui se passait« . Le premier magistrat, également chercheur, a déclaré « faire partie de la génération qui doit faire basculer notre société sur la sobriété. C’est mon rôle de protéger tous les Rochelais« .
Brice Blondel, le préfet de Charente-Maritime, qui avait saisi la Commission nationale du débat public sur la question des cancers pédiatriques dans l’agglomération de La Rochelle suite aux alertes d’Avenir Santé Environnement, a reconnu face au public de l’Espace Encan que c’était l’une « des interventions les plus difficiles » depuis qu’il est en poste. « On parle ici de sujets humains et de maladies d’enfants […] Il n’est pas question de faire de la démagogie autour de ces questions, ce sont des sujets au cœur des préoccupations de tous nos citoyens« , a indiqué le représentant de l’État.
Ce dernier souhaite prôner un dialogue constructif entre les agriculteurs, notamment, et les personnes défendant un modèle plus écologique, « au lieu de mettre les gens face à face avec aucune chance de se parler« . Concernant la question des cancers pédiatriques, après les différentes études menées par Avenir Santé Environnement, le préfet souhaite donner une réelle dimension scientifique à ces travaux. « Je veux qu’on aille plus loin« , a-t-il souhaité, avec un débat public tout en évitant d’opposer deux salles et en réussissant à mettre de la science dans les discussions.