Violée à l’âge de 14 ans par son petit ami lors d’une soirée, l’actrice Juliette Lamboley (révélée à 18 ans dans le film ‘15 ans et demi’ avec Daniel Auteuil, faisant ainsi partie des révélations des César de l’année 2009) commence alors une long chemin jusqu’à la vérité. Après 5 ans de bataille judiciaire, le verdict est prononcé : non lieu. Il n’y aura pas de procès et donc aucune condamnation.
A travers 8 épisodes, allant de 15 à 23 minutes, dans cette série, racontée comme un récit sous la forme d’un conte, l’actrice revient en détails sur tout un pan de sa vie. Amnésie traumatique, répercussions, bataille judiciaire, conditions de tournage d’une série audio… A l’occasion du Festival de la Fiction, Juliette Lamboley se confie à INF la Rochelle pour ‘Nuit noire, nuit blanche’, disponible sur toutes les plateformes de podcast le 25 septembre prochain.
Léa Martin, journaliste pour INF la Rochelle ; A l’âge de 27 ans, suite à une discussion, vous vous souvenez brutalement d’un évènement traumatique, survenu lorsque vous aviez 14 ans : le viol. Vous vous en souvenez donc bien plus tard, presque quinze ans après les faits car vous avez été victime d’amnésie traumatique. Pouvez-vous expliquer : l’amnésie traumatique, qu’est ce que c’est ?
Juliette Lamboley : Alors, l’amnésie traumatique c’est quand on a subi un choc violent et que notre cerveau, pour nous protéger, efface nos souvenirs, [l’amnésie] peut survenir soit sur le moment et est donc total, soit au fil du temps et dans mon cas c’était partiel.
Dans la série, un point fait peur : le personnage de l’agresseur. Son témoignage n’est pas entendu, sa voix est la voix d’une bête ou parfois d’un loup, pourquoi remplacer l’agresseur par une bête ?
Oui tout à fait, en fait c’est complètement volontaire, on voulait qu’on entende uniquement le témoignage de la victime pour une fois, on a fait le choix de ne pas laisser le doute quant à mon témoignage.
Qu’est ce que vous auriez changé dans ce procès ? Ou, du moins, qu'est ce que vous changeriez pour les futures victimes qui seraient amenées à traverser ce processus ?
[La série] c’est une réflexion sur le temps de la justice et Jeanne Broucq a écrit un livre “Zéro virgule neuf pourcent” dans lequel elle raconte son histoire de viol qui s’est déroulé en Australie [la procédure et le procès se sont donc déroulés dans ce pays] et elle explique que la procédure a duré un an [contre 5 ans pour Juliette] et qu’en plus elle était accompagné d’une personne neutre, ce que l’on a pas en France. Alors, si je devais le refaire, j’aimerais que ça aille vite, comme en Australie, et être accompagné d’une personne neutre.
La deuxième chose que j’ai découvert, c’est que, comme dans les séries, moi j’étais persuadée que, après la plainte déposée, c’était la police qui allait tout gérer, or la chose difficile c’est [que c’est] à la victime de tout gérer, de trouver des preuves, de contacter des témoins et recontacter les témoins ça veut dire se re-confronter à ce qu’il s’est passé et raconter encore et encore [les faits] et j’aurais aimé le savoir et que donc les victimes qui souhaitent porter plainte le savent mais j’espère que ça ne va pas dissuader les gens de le faire parce que c’est important. Porter plainte m’a soulagé, c’était long et dur mais c’était fait, ce n’était plus ma responsabilité, c’était un soulagement énorme [de le faire]”
Et donc, cela fait combien de temps depuis la fin de la procédure et quelle leçon en tirez- vous depuis la fin de ce long processus ?
Ça fait 2 ans [que le non-lieu a été prononcé] et ce temps long m’a permis de vaincre le déni, de mettre des mots et de reparcourir, même si c’est désagréable, toutes ces émotions de colère, de tristesse et de rencontrer cette association qui m’a sauvé la vie.
Le podcast sort le 25 septembre : à quoi s’attendre ?
Le podcast traite de la justice et de la violence sexuelle. Le podcast, il faudrait peut-être dire une série audio ou un récit audio parce qu’on a l’impression que c’est un talk alors que c’est un récit mais il répond à la question : Que se passe t-il une fois un dépôt de plainte déposé et la porte de la justice passée ? On suit une histoire vraie, que j’ai vécu, sur 8 épisodes de 15 minutes et c’est tout le parcours judiciaire mais aussi les conséquences sur la famille, les amis et tous les à côtés
Qu’attendez-vous des répercussions, de l’impact de votre série audio ?
A la base j’ai vraiment voulu faire ce projet pour aider des personnes victimes qui ont envie de porter plainte ou les proches ; en fait au moment où ça m’est arrivé j’avais aucun outil pour être accompagné et tout ce que je voyais de fictionnel, c’était en dehors de la réalité. On suit une forme de résilience pour aider les personnes
Mais alors pourquoi en faire une série audio ? Pourquoi ce format ?
Je me suis dit pourquoi pas faire une série ? C’est 8 épisodes, c’est assez niche […] je suis partie là dessus parce que c’est un médium assez simple et rapide et j’avais envie de le faire rapidement. Et comme c’est de l’audio, c’est de l’intime, c’est ma voix off qui raconte ma voix interne, on chuchote à l’oreille de l’auditeur.
Voudriez-vous faire développer cette série ? Peut-être le développer en série ou en film ? Ou bien faire plusieurs saisons ?
C’est prévu ! Alors déjà, j’ai fait beaucoup de rencontres ici et beaucoup de réalisateurs m’ont proposé de l’adapter en film et il y a, en effet, un deuxième projet qui est en train d’être écrit la première partie de cette deuxième saison fait le lien entre les deux saisons et c’est à travers la réappropriation du corps et ça sortira en 2026 !